Il courrait. Il courrait autant qu'il en était capable car une créature sauvage était à ses trousses. Elle était énorme et le coin vaste pour qu'il puisse s'approprier l'avantage du terrain. Prenant ses jambes à son cou, il s'était mis à courir aussi vite qu'il avait pu en se servant de ce que le terrain de lui offrir pour essayer de se mettre en hauteur grâce à son agilité. Il était essoufflé et il n'avait qu'une seule vie, celle d'abandonner et de se battre à ses risques et périls. Plus facile à dire qu'à faire.
Il continua à courir et réussit à la semer. Par quel moyen ? Il n'aurait su le dire mais, enfermé dans une petite salle, il sut qu'il était à l'abri en ne l'entendant plus et ne la sentant plus non loin de lui. Mais, était-il dans la bonne pièce ? Il regarda alentour et eut l'impression que non. Il était venu à l'hôpital pour récupérer des médicaments pour sa mère sans en informer son clan comme il était sorti seul parce que sa santé s'aggravait. Il savait que cela ne durerait pas et... Qu'un jour ou l'autre, elle disparaîtrait sans crier gare.
Bon, ce n'était pas le moment de penser à ça. Il poussa un léger soupir et récupéra sa bouteille d'eau dans son sac pour boire un peu. Il devait récupérer des médicaments et ne pas se faire prendre avant qu'il ne soit trop tard. Il sortit de la pièce et se dirigea vers l'étage au-dessus. Il savait où il devait aller et, quand il y fut, il soupira de soulagement. Il restait encore des médicaments à porter de main et cela le réjouissait. Pour combien de temps ?
Pourquoi ne se résolvait-il à laisser tomber ? La maladie de sa mère était incurable. Rien ne pourrait la sauver, pas même son amour. Il mordilla sa lèvre inférieure et se dirigeait vers les placards qui lui faisaient face. Il commença ses recherches mais ne trouva pas ce qu'il souhaitait dans le premier placard qu'il fouilla. Si seulement le monde n'avait pas tourné au chaos... Il colla son front contre la la porte du placard et poussa un nouveau soupir.

Puis, du bruit se fit entendre.

Il se redressa et comprit qu'il n'avait plus de temps à perdre. Il continua à chercher en vitesse et ayant trouvé ce qu'il souhaitait, il en mit autant qu'il le put dans son sac avant de partir précipitamment de cette pièce. Mais, c'était trop tard. On l'avait retrouvé.

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Il traînait. Il traînait dans les environs à la recherche de n'importe quoi qu'il pourrait rapporter à l'Abri et qui lui permettrait de perdre un peu de temps. Parce que du temps, il en avait et ce n'était pas pour cela qu'il décidait de le gâcher. Tôma rehaussa son sac sur son épaule, agrippant plus fermement son arme dans sa main, prêt à viser et à tirer si jamais quelque chose ou quelqu'un se présentait devant lui. Depuis la réussite de la mission, ou plutôt depuis le sauvetage réussi des disparus, il fallait redoubler de vigilance car des choses étranges se produisaient dans ce Nouveau Monde. Plus rien ne se ressemblait, chaque jour était différent d'un autre et ce n'était parfois pas aisé de garder les pieds sur terre, de conserver un minimum de bon esprit afin de ne pas devenir complètement fou. Parce que fou, il l'était ; il avait fini par l'admettre, mais il n'était pas le seul. Le Monde tout entier courrait à sa perte à cause de la folie des êtres humains qui n'étaient pas capables de se soutenir, d'apprécier et de faire une force de chaque différence plutôt que de s'évertuer à créer des armes toujours plus puissantes pour faire effondrer des populations entières. Cela débectait Tôma, et pas qu'un peu.
Finalement ses pupilles s'arrêtèrent sur l'immense hôpital désaffecté qui se dressait sur son chemin. Il n'avait rien à perdre en s'y engouffrant alors il s'avança dans le bâtiment, son regard toujours à l'affût au cas où une bête sauvage surgirait de là. Il débuta par le hall d'entrée, fouillant des yeux l'endroit sans trouver quoi que ce soit d'intéressant. Puis il poursuivit sa visite, levant les pieds pour ne pas les enfoncer dans les décombres. Il pensait birfurquer sur la gauche, mais un bruit retint son attention. Y avait-il quelqu'un d'autre dans les parages ? Aussitôt il mit son fusil à plasma en joue, revenant un peu en arrière pour prendre la direction du bruit entendu. Le soldat se plaqua contre le mur, jetant un simple coup d'oeil dans la salle, apercevant une bête nommée rataupe, affreusement grasse et dodue, trop entretenue pour un monde aussi apocalyptique. Néanmoins, face à cet animal, il y avait l'autre singe que Tôma avait déjà eu l'occasion de rencontrer.
Le soldat grimaça de dégoût, ne sachant pas si c'était pour l'animal issu de la radioactivité ou du jeune homme. Celui-ci était pris dans les griffes de la bête, il ne pourrait pas quitter la pièce en étant entier. Tôma abandonna un soupir avant de charger son arme et de se présenter dans ce qui restait de l'encadrement de la porte.

« Bouge de là ! » cria-t-il à son semblable tandis qu'il fit feu face au rataupe.

La détonation résonna dans la pièce et Tôma espéra que l'animal n'appelerait pas des renforts, car même si elle ne voyait pas très bien, le soldat avait un très mauvais souvenir de cette espèce.

Malheureusement, la bête fut plus rapide que ce qu'aurait pensé Tôma et parvint à éviter le coup qu'il avait lancé. Le soldat ne manqua pas d'abandonner un juron, ayant désormais attiré l'attention de la taupe sur lui. Très vite, il la vit montrer les crocs, ses crocs puissants qu'il n'espérait jamais avoir à subir sur l'une des parties de son corps. Il voyait également ses narines bouger, cherchant sans doute à capter son odeur qui lui permettrait de déterminer sa position. Mais ce qui le fit frissonner quelques secondes, c'étaient ses griffes. Il conservait encore une cicatrice de l'un de ses congénères sur son flanc et il ne possédait pas le moindre désir d'en obtenir une seconde. Il dut donc se ressaisir pour tirer à nouveau, loin de se laisser impressionner par l'animal sauvage. Les coups partirent donc, très vite, en rafale les uns à la suite des autres, un peu comme si cela était un règlement de compte qui datait de plusieurs années à présent, jusqu'à ce que la bête s'effondre sur le sol, vaincue. L'odeur de sang commençait déjà à emplir l'air poussiéreux de cette salle.

C'était lui. C'était cet homme qu'il avait rencontré l'autre jour. Contre lequel il s'était battu et qu'il avait failli. Le laisserait-il mourir ou allait-il l'aider ? Il ne le savait pas en voyant son fusil pointer en leur direction. Ce fut seulement quand il lui cria de bouger qu'il comprit qu'il ne le laisserait pas mourir aussi pauvrement. Il partit se cacher au fond de la pièce, tenant fermement son bras que la bête avait réussi à lacérer. Peu lui importait le prix à payer dès l'instant où il resterait en vie. Mais, ça craignait ! Il voyait de loin l'air triomphant de cet homme face à lui s'il réussissait à battre cette bête... Et bien sûr qu'il y parvint.
Cependant, il était concentré sur le sang s'écoulant de son bras. Il retira sa main retenant son bras et la vit peinturlurée de sang. Il n'avait jamais été blessé de la sorte, il s'en était toujours bien sorti. Il ne se savait pas chanceux mais, après tout, ne l'avait-il pas été jusqu'à aujourd'hui ? Il s'en était toujours tiré à bon compte et sans savoir pourquoi. Il aurait dû se douter qu'un jour cela ne se passerait pas comme il le souhaitait. Néanmoins, il aurait aimé être sauvé par une autre personne qu'un membre de l'Abri.
À croire qu'on lui en voulait. Récemment, rien ne se passait comme il le fallait. Le monde ne tournait plus rond et il se passait beaucoup trop de choses. Comment suivre le fil sans perdre la tête ? Il l'avait déjà perdu mais qui savait ce que les conséquences de cette guerre pourrait encore engendrer ? Cette planète aurait dû exploser.

Les yeux fermés, il n'entendit pas son ennemi venir vers lui. Ce ne fut qu'en sentant sa main sur son bras qu'il revint à lui en sursautant. Il agrippa sa main posée sur son bras et ancra son regard au sien.

« Ne me touche pas, siffla-t-il, Je vais me débrouiller seul. »

Comment ? Il ne le savait pas mais il trouverait une solution. En tout cas, si cet homme était ici, c'était qu'il avait réussi à tuer le monstre. Il faisait pâle figure à côté de lui et il le voyait déjà venir avec ses sarcasmes : « Tu es faible. ». Oui, il le savait. Il grinça des dents mais la douleur à son bras se fit soudain plus présente. Son interlocuteur venait de resserrer son emprise sur sa plaie.

« Qu'est-ce que tu fais..., parvint-il à dire, Lai-Laisse-moi... »

Il ferma les yeux et attendit que son ennemi relâche sa prise. La douleur était déjà très présente avant qu'il ne l'attrape comme ça par le bras mais là, c'était pire. De plus, il ne pouvait nier le fait qu'il avait perdu beaucoup de sang et qu'il commençait à voir double. Il tenait bon, mais pour combien de temps ? Jusqu'à où le rataupe avait-il lacéré dans la chair de son bras ? Il pencha la tête en arrière et ne demanda plus qu'une chose à son corps : s'endormir.

L’animal mis à terre, Tôma lui donna un coup de pied dans le ventre, juste histoire de vérifier qu’il était bel et bien mort sous ses tirs en rafale. Du sang coulait de diverses plaies, mais la rataupe ne réagissait pas. Le soldat abandonna un soupir de soulagement avant de se rendre auprès de son interlocuteur qui avait eu le temps de se faire blesser avant qu’il n’arrive et ne le sauve. Quelques minutes plus tôt, en pénétrant dans la salle de cet hôpital, il l’avait reconnu et il ne s’en serait pas approché si aucune bête sauvage n’aurait été dans les parages. Là, maintenant, l’autre avait des dettes envers lui et peut-être que Tôma pourrait avoir des informations au sujet de la main rouge.
Il s’approcha donc de lui, saisissant le bras blessé de son vis-à-vis afin de faire un point de compression dessus pour que le sang cesse de glisser le long de son bras. Néanmoins, le singe se débattit, non content d’être sauvé par l’habitant de l’Abri. Ce dernier ne le lâcha pas pour autant, le fusillant du regard.

« Tu n’en es pas capable », lui répondit-il simplement en serrant un peu plus.

Des yeux, il analysa l’espace qui s’offrait à eux et, hormis un vieux lit rouillé, une armoire ouverte mais vide, il ne semblait pas y avoir grand-chose. Tôma savait qu’il devait faire un bandage à ce garçon dont la plaie était vraiment vilaine, ouverte sur sa chair. Très vite, le soldat pu retirer son sac pour fouiller dedans et vider un peu d’eau sur le bras, mais le malheureux perdit connaissance et Tôma jura. Ce n’était jamais bon signe. Bondissant sur ses pieds, il partit arracher une large bande du drap blanc qui était en boule sur le lit et revint auprès du garçon pour lui faire un pansement de fortune. Cela fait, il secoua le singe, espérant qu’il reprendrait vite connaissance, mais il dut patienter encore plusieurs minutes et ce fut uniquement quand il lui jeta de l’eau sur le visage qu’il se redressa d’un coup.

« Il faut te trouver un médecin, lâcha Tôma en se relevant à son tour et en lui désignant son bras, j’ai arrêté le saignement, mais je ne peux rien faire d’autre. »

Et c’était vrai. Le soldat avait dû apprendre quelques bases afin que si jamais ses collègues se blessent en mission, il puisse intervenir un minimum pour ne pas les laisser mourir, mais il n’était pas capable de recoudre quelqu’un ni quoi que ce soit de moins basique qu’un pansement. Il ramassa donc sa bouteille d’eau vide et remit son sac sur son dos, accrochant également son arme à sa ceinture, cognant contre sa cuisse gauche. De ses pupilles sombres, il attendait une réaction de son interlocuteur, ne le trouvant pas plus motivé que cela pour quitter l’hôpital.

« Nous devons aller à l’Abri, nous y avons un médecin, réitéra le brun, tu ne peux pas rentrer chez toi dans cet état, tu seras mort avant d’avoir pu traverser les terres désolées. »

Tôma croisa les bras sur sa poitrine. Il lui avait annoncé les faits, maintenant, s’il ne désirait pas l’écouter, c’était à ses risques et périls car le jeune trentenaire ne pouvait rien faire de plus pour lui – sinon peut-être l’assommer, le mettre sur son épaule et l’emporter comme un vieux sac de patates à l’Abri ? Il devait recevoir des soins et il serait encore plus idiot qu’il ne paraissait l’être s’il refusait la proposition que venait de lui faire le soldat. Le singe était inconscient, mais était-il en plus doublé d’imbécilité ?

En fait, il n'aurait pas dû se cacher. Il aurait dû le laisser tirer sur cette bête et peut-être est-ce que cela l'aurait transpercé également. La vie n'avait plus aucune signification pour lui, la preuve était qu'il risquait chaque jour sa vie pour des choses sans valeurs en sortant le plus souvent du camp seul. Il n'avait pas peur de prendre des risques, pas peur de mourir. La planète avait déjà succombé, que pouvait-il arriver de pire ?
Il lui était déjà arrivé une fois de songer à se suicider. Il n'avait pas non-plus une mauvaise vie, certains subissaient pire. Lui avait perdu son père et sa mère était malade, mais est-ce que cela importait ? Certains vivaient avec une jambe en moins ou en étant constamment malade comme sa mère. Lui n'avait rien et se portait comme un charme. Son seul et unique défaut était d'être fou, mais qui ne l'était pas ? Il était fou de rage. Que le monde ait tourné aussi mal et qu'il ne soit même plus permis de rêver.
Il avait toujours été un enfant un peu rêveur mais des égoïstes lui avaient enlevé tous ses rêves à lui, puis aux autres. Il savait que ce dont il avait pu rêver la nuit n'était réellement que superficiel car la réalité était bel et bien présente. Alors à quoi bon continuer à vivre ? Il ne deviendrait pas gymnaste ou même chanteur. Il ne serait que ce membre de la Main Rouge, chasseur, prêt à tuer toutes les bêtes sauvages sur Terre alors qu'il n'était qu'un médiocre être humain.

Incapable. Combien de fois l'avait-on traité de la sorte ? Pourtant, il était plus fort qu'il ne laissait paraître. Il aurait pu survivre sans son aide, il en était persuadé. Il avait cette forte mentalité qui lui permettait de croire et de survivre. Ne le fallait-il pas au jour d'aujourd'hui ? Mais il ne put riposter car il perdit connaissance le temps de quelques minutes. Quelle plaie.
Trempé, il regarda son bras qui semblait lui faire moins mal... Mais ce n'était que des apparences. Il entendit son interlocuteur lui dire qu'il l'emmenait à l'Abri pour le soigner. Il ouvrit de grands yeux et se mit à rire. Il battit des pieds par terre et, bien que rire lui faisait atrocement mal au bras, il continua jusqu'à ne plus en pouvoir. Il se redressa et colla son front contre le mur.
Néanmoins, il savait qu'il avait raison. Seul, il serait incapable de rentrer chez lui sans finir par crever abattu par une bête sauvage ou autre. Il devait le suivre mais il était terrorisé. Qui ne l'aurait pas été ? Il restait un être humain avec des sentiments. Il avait peur qu'on ne le laisse pas s'en aller ensuite et en même temps... Il était terrifié à l'idée de pouvoir dénicher des informations sur ses ennemis. Était-il à la hauteur ?

« C'était facile, hein ?, lâcha-t-il, Toi me sauvant, me proposant de venir dans ton clan... Et moi, ayant une dette envers toi. », finit-il de dire en le regardant.

Il grimaça et fronça les sourcils. Il n'était pas dupe, ne l'avait jamais été. Toutefois, les faits étaient là : c'était sa seule porte de secours. Il récupéra son sac et partit se mettre devant lui.

« Porte-moi et je te dirais mon nom, dit-il mielleusement, Tu en profites. Pourquoi pas moi ? »

Il sourit et passa sa main poisseuse de sang dans son cou, y laissant une belle traînée sur sa peau. Il commençait à avoir froid mais c'était parce qu'il avait reçu cette eau sur son visage. Ses cheveux gouttaient encore un peu et il n'avait rien pour les essuyer. Pourtant, il serait bête d'attraper froid avec cette vilaine plaie au bras.