Bruits cinglants, cris étouffés, douleur sulfureuse. C'est le chaos. Heureusement, je ne suis pas sur le front tous les jours, mais, quand j'y suis. Je prie pour qu'elle s'arrête, cette grande guerre. Je ne serai pas arrivé jusqu'ici si je n'avais pas fait mon service militaire. Mais pourtant, me voilà à courir entre les tirs et les bombardements. Me voilà à suivre le groupe et à intervenir auprès des soldats blessés. Me voilà à essayer de comprendre pourquoi on observe de si gros changements biologique. Pourquoi certains hommes perdent la tête et pourquoi leur ADN change ? C'est mon rôle pendant cette guerre : trouver une réponse. Et j'ai beau espérer qu'un jour, ce sera plus facile, mais, ça empire. Ils me disent que c'est l'occasion de terminer ma thèse, d'aboutir ce travail entamé depuis des années. Ils m'obligent à faire des tests, sur ces soldats méconnaissant. Ils me disent que c'est pour le bien de l'humanité alors, je leur fais confiance. Et j'effectue des tests biologique sur ces êtres humains perdus. J'étudie leur sang et j'essaie de le modifier. J'essaie d'appliquer ma thèse. Que j'ai commencé il y a quatre ans. À l'époque, je voulais simplement sauver des vies, je voulais mettre un terme à ces maladies sanguines. Et j'étais aussi fasciné par le sang, par ses priorités, ses capacités. Et j'ai aussi observé mon mentor mourir après une expérience. J'ai voulu continuer son travail et lui rendre hommage. Mais, jusque-là rien n'a fonctionné, aucun homme n'a survécu. Je tue ces hommes contaminé par un virus mystère pour sauver les vies de mes compagnons. Je regrette, mais, je veux aussi sauver des vies et trouver un remède à cette dégénérescence. Il faut que cela cesse, que cette grande guerre prenne fin. Mais on est bien loin de faire la paix, on est bien loin de pleurer nos morts et de faire notre deuil. On est bien loin de tout ça, on en est qu'au commencement.

Finalement, elle a pris fin. Elle s'est arrêtée. Elle en a peut-être eu marre, la grande-guerre. En tout cas j'en avais marre et aujourd'hui, j'essaie de souffler. J'essaie de me soigner et je prie pour que plus jamais cela n'arrive. Mais, j'ai sûrement tord d'espérer. Je ne devrais peut-être pas prier. C'est bien trop tard maintenant, l'humanité s'est déchirée. Et les survivants se perdent sur ces terres, j'en fais parti. Je suis resté à Suwon, j'ai nul part où aller. Et j'ai comme l'impression que ma mission n'est pas terminée. Je n'ai pas réussi à sauver des vies, je n'ai pas réussi à soigner ces hommes qu'on appelle Goule aujourd'hui. Je sais que je peux trouver un remède, un miracle. Mais, seul, je n'y arriverai pas. Alors, j'ai décidé de rester sur ces terres désolées. Et quand je vois les misères, ces familles séparées, ces enfants orphelins, ces veuves et ces veufs, ces parents sans leurs enfants, ces soldats aux regards vides. Je me dis que rien n'est fini, que tout peu recommencer. C'est pour cette raison que je ne veux pas partir. Même si je retournais au Japon, la situation serait la même. Mais je suis trop sensible à cette détresse, je peux encore faire quelques choses, mais, je suis encore tiraillé par le doute. Ce n'est même pas mon pays. Pourtant, je me sens complètement touché. Je ne veux plus de toute cette haine, j'ai envie de voir un monde reposé, pas forcément en paix. Un endroit où la violence ne serait qu'un vieux souvenir, que les morts ne soient plus comptés. Un endroit certainement utopique, mais, pas forcément inconcevable. Il n'y a pas de mal à espérer le meilleur pour notre monde. Non, il n'y en a pas. Alors, pourquoi m'en priver ?

Je suis quand même resté, j'ai quand même fait de belles rencontres malgré la dureté de ce monde. J'ai rencontré un homme, un très bon homme. Du moins, je le pensais bon. Dong Ho. Lui aussi était à Suwon, lui aussi a vu la grande guerre de très près. Mais lui l'a vu d'un peu trop près. Il n'est plus le même. Il a changé. Ou bien il a toujours été comme ça, je n'avais rien vu, rien remarqué. Et jamais j'aurais pu penser que mon ami déciderait de créer un clan avec des idées aussi sombres et violentes. En quelques années, je n'avais pas remarqué sa véritable haine. Il l'a sûrement caché en lui, mais, il me l'a révélé. Et ses paroles, ses idéaux, sa Vision du Monde m'a fortement déplu. Je ne peux concevoir d'être ami avec une telle personne. Il sera prêt à accepter la mort, le viol et les meurtres pour survivre. Cela m'a fortement blessé, évidemment. J'ai perdu un ami. Jamais je n'aurai pensé le perdre. On partageait tout pourtant, nos sentiments, nos idées et nos pensées. Je pensais le connaître, mais, je me suis trompé sur tout. Je ne peux pas regarder Dong Ho devenir un leader destructeur, je ne veux pas en être le témoin en faisant absolument rien. Pourtant, j'ai essayé de lui faire entendre raison. J'ai essayé de lui prouver que la violence n'apportait rien. Mais il n'a pas écouté, il a refusé d'y croire et on s'est séparés en très mauvais terme. Dong Ho a été l'élément déclencheur, même si au fond, je le savais déjà. Je savais déjà que je voulais faire quelque chose de ma vie. Que je voulais profiter de mon existence pour créer la paix et une terre vivable pour tous. Après cette dispute, ces révélations extrêmes, j'ai pris une décision. Je vais créer mon clan moi aussi et je vais lui prouver qu'être violent et sans limite n'est pas une solution. D'ici plusieurs jours, je vais quitter Suwon et partir dans les montagnes, j'y suis déjà allée et cet endroit paisible me semble parfait pour s'installer. Il y a des grottes et un point d'eau non irradié. J'y irai avec quiconque voudra me suivre. Je ne forcerai pas la main, non. J'ouvrirai mon cœur aux autres survivants simplement. Je leur ferais part de mes sentiments et mon envie de vivre paisiblement ensemble. Et si personne ne me suit, tant pis. J'essaierai quand même de lutter contre la destruction et la haine qu'apporte ce monde.

Le ciel est sombre, le soleil n'a pas pointé le bout de son nez aujourd'hui. Les veilleurs sont inquiets ces derniers temps. La plupart redoutent une attaque de nos ennemis à tout moment. Je les écoute, je n'hésite pas à leur parler. J'ai toujours été proche d'eux, après avoir fondé ce clan il y a quinze ans. Ils sont ma famille. Et je suis la leur. Et aujourd'hui, je me sens comme eux. Inquiet. De plus en plus inquiet. Tout est trop calme en ce moment. Et la Main Rouge m'inquiète de plus en plus, elle m'a toujours inquiétée, depuis que Dong Ho est parti. Depuis qu'il a agi et qu'il m'a trahi. Il m'a blessé et m'a attaqué directement de nombreuses fois. Autrefois ami, c'est mon principal ennemi aujourd'hui. Et malgré toute la haine que je ressens pour lui, je pense qu'il y a toujours une part de bon en lui. Je sais qu'au fond, il n'a pas changé. La guerre lui a fait voir le monde autrement et ses désirs rouges livides ont pri le dessus. Alors, je m'attends à tout venant de lui, je me prépare du mieux. Je m'entraîne et pousse les veilleurs à apprendre à se battre, à utiliser des armes. Mais, j'espère au fond ne pas à devoir l'affronter de nouveau. J'espère pouvoir avoir un avantage sur lui, en continuant les recherches, tenues secrètes, dans la montagne. Je continue cette thèse, inachevée, on est proche du but. On finira par réussir à créer ce sang artificiel. Les efforts finissent par payer et je veux encore y croire. Il y a eu de belles découvertes, les plantes éternelles sont une véritable réussite et un gain de temps incroyable. On réussit à vivre avec le strict nécessaire, la montagne n'a jamais été aussi vivant et resplendissante, les grottes jamais aussi vibrantes. Je suis fier d'avoir créé les Veilleurs, d'avoir offert une vie paisible aux survivants, de leur apporter de l'espoir chaque jour, depuis maintenant quinze ans. Maintenant, j'espère pouvoir trouver le remède contre le virus des Goule, on l'a appelé l'Insanus Morti. Avec ce remède, les choses seront bien plus faciles. Je reste tout de même sur mes gardes, les Veilleurs sont prêts au pire comme au meilleur. Reste à voir si ce ciel grisonnant s'effacera un jour.