Tu sais, quand j’étais petit, j’imaginais pas que le monde pouvait être si cruel. Je vivais dans un monde parfait, avec toi. Tu étais mon monde. Tu étais toute ma vie. Parce que je n’avais que toi comme modèle et mon but était de te ressembler. Je voulais les mêmes vêtements, les mêmes coupes de cheveux. Absolument tout. Quand je te regardais, j’avais des étoiles dans les yeux et tout le monde le savait. J’étais le petit frère collant mais qui t’aimais plus que tout.

Je n’ai jamais souffert de l’absence de maman et papa, parce que tu étais là et que tu savais exactement quoi faire pour me rassurer, pour me faire grandir. Je n’ai jamais eu peur avec toi. Je ne pourrais jamais te remercier pour tout. Nous n’avions plus personne, le monde était en train de s’effondrer et tu arrivais à me faire rire et à me faire sourire. Tous mes souvenirs avec toi restent intact même si parfois j’aimerais les oublier pour ne plus sentir ce poids et cette douleur qui se transforme petite à petit en haine.

Il ne fallait pas sortir. Vivre comme ça ne me dérangeais pas. Il y avait d’autres personnes avec nous et c’est de cette façon que je me suis découvert une nouvelle famille. Nous n’avions pas le choix. Il fallait partager, s’entraider et tu étais toujours le premier pour venir en aide aux autres.

Tu m’as appris à survivre, à ne pas pleurer, à ne pas avoir peur. Tu m’as appris à être fort. Si je suis ce que je suis aujourd’hui, c’est bien grâce à toi. Ma vie de gamin avait été chamboulé mais tu faisais de ton mieux pour que je ne panique jamais, pour que je continue à apprendre. Je n’avais jamais aimé l’école, mais tu savais exactement comment faire pour m’intéresser. Tu m’as appris à me battre, à me défendre, à tirer. Je suis devenu un guerrier.

On a survécu, dans ce monde pourri. Je pensais que c’était la fin, qu’on s’en était sorti. T’étais un des premiers à sortir à l’extérieur. J’avais peur. Peur que tu ne reviennes jamais. Mais à chaque fois, tu étais là. Et je me disais qu’on allait enfin pouvoir sortir de ce trou et nous reconstruire. Juste nous, tu vois ?

Je me suis trompé.  Tu es revenu, mais je sentais que quelque chose n’allait pas. Je te connaissais par cœur. Tu étais ma moitié, mon âme sœur, ma vie. Et ce soir-là, je t’ai tiré une balle dans la tête avant de m’enfuir. Tu t’étais fait mordre par une chose et ton état se dégradait. Tu m’avais prévenu que l’extérieur était dangereux. Et j’ai dû te tuer pour ne pas te laisser souffrir et te transformer.

J’ai cru mourir, mais je l’ai fait, pour toi, pour nous. Depuis ce jour je ressens un vide qui me ronge chaque jour de plus en plus. Et ce soir là, je suis parti. Pour de bon. Sans dire un mot, j’ai pris mes affaires et je suis sorti en gardant ton arme avec moi.
Je n’avais plus vraiment de raison de m’accrocher, je me suis laisser aller, à errer dans ce monde en perdition.

Et je suis tombé sur eux. La main rouge. Eux qui m’ont redonné le goût à la vie, qui m’ont soutenu et pour qui je donnerai tout. Ma vie leur appartient. Et je veux que tu saches que je me battrai jusqu’au bout. Que je vais bien. Que tu peux t’en aller maintenant. Plus la peine de veiller sur moi.