La vraie vie commence après. A la fin de la guerre. Quand les bombes ont cessé de pleuvoir. Quand maman et papa ont dit que tout était fini. Quand Soren a enfin put dormir seul. Avant tout semble flou. Un grand vide. La vie sans la guerre, la guerre. Les prémices d’un cerveau plus que compétent pour éluder ce qu’il y a de pire. Tout va très vite et peut-être que Seiren est trop jeune pour se souvenir précisément de ce qu’il s’est passé il y a une quinzaine d’années. Lorsque papa et maman ont adhérés au courant de pensées d’un homme qui rêvait d’une utopie pacifiste. Trop petite pour se souvenir avec précision de l’arrivée dans les grottes et du lancement du camp. En fait la vie commence là. Le jour où il a été décidé qu’ici ce serait la maison. Et pour la première fois Seiren a eu l’impression de vivre et réfléchir pour elle-même. De ne plus être un pantin qui attend que le temps passe. Découvrant les joies de la nature. Pour la première fois elle et son frère jumeau pouvaient jouer sans sentir le regard désolé de leurs parents.

Maman reste un souvenir assez vague. Ou plutôt il en est devenu un. Seiren a préféré flouter l’image plutôt que de pleurer trop longtemps une mère. Morte seulement une année après l’installation du camp des veilleurs. Tuée ou transformée en goule.  Une histoire classique d’exploration qui tourne mal. Depuis papa est obsédé par les goules.

Papa, justement parlons-en. Tout semble tourner autour de lui. Eminent scientifique et chercheur il assure une place de choix au sein des veilleurs aux siens. Complètement obnubilé par les goules suite au décès de sa femme, il se lance tête baissée dans la recherche sur ces créatures. Oublie un peu ses enfants qui se retrouvent livrés à eux même.

C’est à 16 ans que les choses se compliquent. Les jumeaux vivent tranquillement au sein du campement. Seiren exerce une certaine influence sur les plus jeunes et s’amuse à faire gober les pires histoires aux gamins. Elle suit d’un œil amusé son frère qui jubile à l’idée de pouvoir enfin sortir. Elle aussi a envie. Appréhende parce que la Terre est loin d’être un endroit accueillant mais ça reste sa planète quand même. Et ils sont bien relou ces ancêtres à avoir foutu le bordel.

C’est papa qui les accompagne pour leur première sortie. Du jamais vu, lui qui quitte rarement son laboratoire. Alors aller en dehors du camp c’est plus qu’étonnant. Rien ne pourrait plus faire plaisir aux jumeaux que découvrir le monde extérieur avec leur père si peu présent. Papa les emmène jusqu’à ce qu’il appel son observatoire secret. Une espèce d’installation bancale en haut d’un arbre. Soit. C’est là que les choses dégénèrent. Papa est fou. Ils auraient dû le savoir. Les choses redeviennent floues. Il y a des goules et papa dit qu’il voit maman. Il dit qu’il l’a reconnue, que c’est elle. Et papa qui a perdu la tête il y a bien longtemps déjà se jette au milieu d’eux. Et papa meurt à son tour. Sous les yeux de ses enfants.

On les retrouve le lendemain, terrorisés. Serrés l’un contre l’autre. Seiren a l’œil en sang mais ne se souvient pas comment s’est arrivé. Soren dit qu’elle s’est débattue pour aller chercher papa et qu’elle s’est blessée à ce moment-là. Seiren ne parlera plus pendant des mois ni ne voudra sortir du camp.

Et du jour au lendemain elle se remet à parler. Trop parler même. Elle ne fait que ça. Parler des autres, blaguer, rire aux éclats. Impossible de lui soutirer le moindre mot sur l’accident. Seiren reprend les entrainements avec son frère, cette fois parce que Soren la force. Espérant la faire sortir de son mutisme. Mais rien n’y fait.

Finalement, après une chute mémorable dans la boue Seiren décide d’arrêter ces conneries. On raconte qu’on l’a entendue hurler jusque dans la forêt. Une floppée d’insultes plus tard, elle plaque tout et annonce à son frère que s’il veut aller jouer au bon petit soldat dehors c’est son problème mais elle a d’autres ambitions dans la vie.

C'est le début de la vie pour elle. Pas pour papa. Pas pour Soren. Juste celle de Seiren. Seiren et ses cauchemars.