Kye se réveilla en sursaut. Le souffle court et son cœur martelant sa poitrine, il fini de se redresser et laissa un sanglot s’échapper, se contentant de l’étouffer au mieux de ses lèvres pleines à nouveau scellées. Il réprima ceux qui suivirent, les dents serrées et les yeux rivés au plafond. Il ne pleurerait pas. Il ne voulait pas. Il l’avait déjà trop fait, seul le soir, dans son lit vide et froid. Et à chaque fois il s’en voulait parce que ce n’était pas à lui de pleurer. Non. Lui n’avait pas le droit d’être triste ou en colère. Il devait assumer ses fautes. Sa faute. Celle qui était à l’origine de son changement de clan.
Alors il ravala les larmes qui brouillaient sa vue et se dégagea de sa couverture, quittant sa couchette pour ne pas y revenir avant le soir, si il arrivait à dormir. Mais les poches sombres sous ses yeux étaient bien la preuve que le sommeil le trouvait rarement. Les insomnies le guettaient chaque nuit depuis son arrivée chez les Veilleurs. Et si au début le manque de repos l’affectait, désormais il y était habitué et vivait avec. Comme il s’était habitué à ce vide qu’il ressentait douloureusement en lui. A cette pensée, Kye eu un rire sans joie et secoua la tête avant d’enfiler un pantalon et de sortir de la grotte, frissonnant violemment à la fraîcheur de la nuit. Mais ça lui faisait du bien.
Sans plus de cérémonie, Kye posa ses fesses sur le sol poussiéreux et tendit les bras en arrière pour s’appuyer dessus. Il pencha ensuite la tête et dirigea automatiquement son regard vers le ciel sombre parsemé d’étoiles et enfin ses yeux se posèrent sur cette lune presque ronde et argentée. Il aurait aimé qu’il soit là avec lui, à la contempler en parlant de tout et de rien, leurs mains étroitement liées et des sourires tendres aux lèvres mais il savait qu’il ne pourrait plus vivre ce genre de moments avec lui. Parce qu’il avait tout gâché. Parce qu’il lui avait enlevé l’être qu’il aimait le plus et qu’il ne pourrait plus jamais lui faire face à cause de ça. 
Le cœur lourd, Kye baissa les yeux et porta sa main à son poignet, touchant du bout de ses doigts le bracelet qu’il y avait accroché. Il effleura ensuite les initiales gravées sur les quelques perles de bois constituant le bijou et replia ses genoux contre son torse pour y poser tristement la tête. Il continua de détailler ce bracelet qui ne le quittait jamais et se mordit la lèvre, la culpabilité se lisant encore sur son visage poupin. Il n’aurait pas du être en sa possession. Ce bijou revenait de droit à Du Oh et ce dernier serait certainement fou de rage s’il savait que c’était lui qui l’avait. Lui qui était responsable de la mort de sa petite sœur.  Il n’avait pas pu s’empêcher de le ramasser après que son ami l’ai bousculé. Ce dernier n’avait pas du se rendre compte qu’il l’avait lâché à ce moment là et avait dû le chercher ardemment. Lui n’avait pas réussi à lui faire de nouveau face pour le lui rendre. Et égoïstement, une part de lui avait souhaité le garder, peut-être pour ne pas oublier son erreur.
Cette erreur, Du Oh n’avait pas été le seul à la lui reprocher aussi vivement. Son oncle, seul parent qui lui restait depuis la guerre avait été, comme à son habitude, peu avare en reproches et lui avait rappelé à quel point il était faible et incapable. Il avait toujours été dur, sévère avec lui. Et au fil des années, Kye n’avait pu que s’y habituer. En revanche, lors de cette soirée qui avait viré au cauchemar, la violence n’avait pas été qu’orale, non, et le jeune apprenti médecin avait vu en ses gestes le signe qu’il n’était plus à sa place à l’abri.

Alors il avait fuit et avait prouvé une fois de plus qu’il n’était pas assez fort pour cet environnement hostile. Trop lâche pour en finir ou pour rester et assumer, Kye avait préféré se retirer et trouver refuge chez les Veilleurs. Il savait qu’il n’aurait pas non plus eu sa place à la Main Rouge. Il était trop faible et peut-être trop empathique pour y survivre. Il savait à peine se battre à l’époque. Il pensait ne pas en avoir besoin en tant que défenseur. Et puis il avait toujours eu Du Oh à ses côtés pour le protéger. Ca avait toujours été comme ça. Aussi fusionnels et complémentaires, les deux ne s’étaient jamais quitté depuis ce jour.

Mais en arrivant chez les Veilleurs, Kye avait compris que les choses ne seraient plus jamais pareilles. Il avait apprit petit à petit à se débrouiller par lui-même. A se défendre, se battre, subvenir à ses propres besoins et continuer à apprendre avec avidité tout ce qu’il avait besoin de savoir sur la médecine pour ne plus voir ses proches mourir à cause de son incompétence.