Tu es né un temps où la guerre ne dévisageait pas encore la surface de la Terre, mais tu étais si jeune, tu ne t’en souviens guère. L’apocalypse a laissé des traces, des images indéchiffrables dans ton esprit innocent, tu en as eu juste les brimes et les séquelles d’une violence dévoilée trop tôt à un enfant. Et la violence qui te perturbe, elle semble te poursuivre encore et encore dans ce monde où chacun doit désormais lutter pour la survie. Tes parents ont choisi cette voie. Ils ont choisi la Main Rouge. Tu n’as pas eu d’autres options que de les suivre. Après tout, tu n’étais qu’un gamin, comment pourrais-tu d’échapper à leur autorité ? De toute façon,  ce n’est pas dans ton tempérament. Tu es du genre docile. Parfait soldat au sang froid. Cruelle apparence qui ment sur la véritable nature de ton coeur. Tu n’aimes ni la violence, ni la guerre, ni le sang et encore moins la mort. Tu suis néanmoins le mouvement, tu obéis car s’est ainsi que tes parents t’ont éduqué.

Garçon, adolescent solitaire, tu ne te liais guère aux autres membres de ton clan. Juste ce qu’il fallait. Juste ce que les codes exigeaient. Tu ne savais pas où tu allais et te contentais d’avancer, parfait futur petit soldat qui marche au pas au milieu d’une bande de barbares, dégénérés pour certains. Les autres, ils ne savaient pas s’ils te trouvaient risible à être si renfermé et inexpressif ou  si tu faisais froid dans le dos. De la chaleur, tu en manquais cruellement. Jusqu’à ce qu’elle arrive ! Jusqu’à ce qu’elle entre dans ta vie : Ra On. Elle n’était pas de chez vous. Pourtant, Dongho semblait proclamer que si. Tu ne comprenais pas trop. En vérité, tu ne voulais pas trop t’y intéresser non plus. Tu luttais contre ta propre curiosité qui te titillait. Toi qui te retenait, elle est venue à toi, car elle, elle n’hésitait. Elle ne se réfrénait pas. Elle semblait être tout ton opposé. Un mystère que tu ne parvenais à déchiffrer et qu’inexplicablement, tu avais un peu envie de résoudre. Elle est devenue, ton amie. Ta seule amie. Non, lorsqu’une personne en vient à déposer ses lèvres sur celle d’une autre. Lorsqu’on y ressent une telle douceur, une telle chaleur, ce n’est plus de l’amitié, c’est de l’amour. Innocence de la jeunesse, vous vous êtes pourtant promis de ne jamais vous séparer. Ra On… Elle portait si bien son nom. Elle avait complètement bouleversé ta vie. Avec elle, tu te sentais capable de surmonter tous les obstacles. Capable de transgresser l’interdit. Tu ne voulais pas la voir se transformer à l’une de ses brutes sanguinaires de la Main Rouge. La peau de ses doigts t’était si précieuse que tu ne voulais qu’elle soit entachée de sang.  Tu ne supportais plus non plus de la voir subir les châtiments répressifs du clan. Ils n’avaient pas le droit de la violenter. Et pourquoi diable continuait-elle à être aussi impétueuse ? Pourquoi s’obstinait-elle tant à être insoumise ? Alors, sous couvert d’une tentative d’exploration en échappant à la vigilance des adultes, tu t’es éloigné avec elle. Ra On n’en savait rien mais tu y voyais une potentielle occasion de vous échapper. De vous éloigner et d’aller mener une autre vie, ensemble, ailleurs. Le sort en a voulu autrement. Les règles ne sont pas faites sans raison et la preuve vous a rattrapé. Pris en chasse par des furies, vous avez été séparé. Tu as été grièvement blessé, sauvé in-extremis par les tiens, tandis que Ra On disparu, à jamais…

Tu fus sévèrement puni pour ton imprudence et ta désobéissance, mais tu n’en eus cure : Ra On avait été déclarée morte. Depuis lors, le soleil s’est couché par-delà l’horizon, il a laissé place à une éternelle lune écarlate. Tu as sombré encore plus profond qu’auparavant. Tu es monstre de sang-froid et d’insensibilité. Tu as du sang sur les mains. Cela hante ton esprit la nuit. Elle aussi, elle habite tes songes. Fantôme que tu ne parviens pas à chasser de tes pensées une fois tes paupières abaissées. Elle au moins, elle aura été préservé, ses fines de sang n’auront pas été souillé. Ou du sien… Et les cauchemars se ravivent. Tu te réveilles. Sous le manteau de la nuit, tu te lèves. Tes yeux vers la lune tu lèves. Tu te mens à toi-même en te convaincant, que non, à chaque nuage qui passe devant l’astre, tu n’espères par le voir effacer sa teinte pourpre, lui rendre sa clarté et tel un miroir voir ce visage disparu s’y refléter.