Son existence commence le 23 octobre 2072 et pourtant elle à l’impression que sa vie à véritablement commencé le jour où elle est entrée dans ce bunker. Elle s’en souvient comme si c’était hier. Elle revoit dans les moindres détails le déroulement de cette journée pas tout à fait comme les autres. Ce matin-là elle s’était pourtant comme d’habitude réveillée dans son lit, mais le personnel de maison semblait moins souriant. Elle se souvient de leur mine triste et de ses questions restées sans réponse. Elle revoit les nombreux meubles recouverts d’un drap blanc, la boîte à jouer qu’on lui avait demandé de porter et le visage grave de ses parents alors qu’ils quittaient ce qui avait été leur paradis sans jamais être certain de pouvoir y remettre un jour les pieds. Du haut de ces cinq ans, cette maison souterraine lui semblait être la plus grande aventure à laquelle elle n’avait jamais participé. Et c’est aussi de cette façon que les choses lui avaient été présentées. Là-bas elle serait dans une sorte d’exploration. Il faudrait qu’elle soit sage et qu’elle ne fasse pas trop de vagues, mais surtout, il ne fallait pas qu’elle sorte. C’était alors comme un cache-cache géant seulement voilà ce cache-cache-là ne semblait pas connaître une date de fin. Les premiers jours de cette nouvelle vie lui semblent encore à l’heure actuelle pouvoir être qualifiés par le terme paisible. Chacun tentant de prendre ses marques dans l’endroit alors devenu leur espace de vie commune. Sans doute est elle celle qui s’est le plus vite habituée à tout ça. Bien évidemment, les grandes étendues dans lesquels elle aimait courir lui manquaient, mais contrairement aux autres l’innocence et la naïveté la préservaient encore un petit peu de ce qui se tramait. Alors elle n’avait aucun mal à chanter des chansons d’enfant, à supplier Ren de bien vouloir jouer avec elle à la poupée et à se plaindre alors qu’on lui proposait une nouvelle fois des raviolis en boîte. Non, elle n’avait pas conscience de tout ça parce qu’elle n’était qu’une enfant, une enfant qui hélas a grandi trop vite.

L’enfermement est un concept bien difficile à comprendre qu’en on a que sept ans. Bien sûr, jouer à cache-cache lui semblait bien moins amusant, mais contrairement aux autres, elle ne semblait pas véritablement en souffrir et ne réclamait pas la lumière du soleil et ses rayons qui réchauffe la peau. Elle s’était habituée au noir du bunker et était presque devenue ce soleil qui manquait tant. Elle avait ramené la vie là où elle semblait s’éteindre. Chaque jour elle se réveillait avec ce même sourire et ce matin-là n’avait pas été une exception. Une fois de plus elle avait jeté son dévolu sur Ren. C’était avec lui que ce matin-là elle avait le plus envie de jouer. Mais bien évidemment, mettre la main sur celui qui était alors un jeune adolescent s’avérer être une véritable mission. Dévalent les longs couloirs elle ouvrait toute les portes qui voulait bien céder sur son passage. Toute jusqu’à ce qu’elle tombe sur ce qu’elle aurait aimé ne jamais avoir à affronter. Ce n’est pas le genre de chose qu’un enfant peut comprendre. Un corps suspendu dans le vide, retenu par une corde placée autour du coup. La stupeur. Son corps qui s’arrête, elle n’a soudainement plus envie de jouer prenant conscience que cette personne ne répondra pas à ses appels. Elle cri et secoue ses jambes inanimées puis celui qu’elle cherchait finit par apparaître. Il observe la scène en silence et sans un mot l’éloigne de la pièce. Elle le questionne, lui demande ce qu’il se passe et n’aura pour réponse que quelques mots qui ne l’ont depuis jamais quitté. « C’était un faible, on ne doit pas prendre exemple sur lui ». Un faible ou alors une personne plus réfléchie qu’eux. Encore aujourd’hui Jo Hee n’est pas certaine de pouvoir qualifier cet acte. Était-il faible ou simplement plus intelligent qu’eux ? Savait-il déjà que cette mort-là serait peut-être bien moins douloureuse que celle qui les attendait ? Quoi qu’il en soit, ce jour marqua un tournant dans son existence. Tout ça n’était pas un jeu de cache-cache géant, mais bien de la survie.

Est-ce vraiment lorsqu’elle est entrée dans ce bunker que sa vie a commencé ou est-ce quand à sonner l’heure d’en sortir ? Le bunker était une idée utopiste. Un rêve qui a pourtant duré quatre années avant que les denrées ne viennent à manquer. On s’organise alors et on évoque le fait d’aller dehors. Mais qu’est-ce qui se trouve de l’autre côté ? A quoi ressemble le monde qu’ils ont tous laissé derrière eux. Bien évidemment, Jo Hee n’est pas convié à ses longues discussions du haut de ses neufs ans on estime qu’elle n’a rien à faire là. Pourtant, elle n’en perd pas une miette écoutant derrière les portes ce qui se trame. Seulement voilà rien ni personne ne pouvait imaginer ce qui allait alors arriver. Tout semble encore tellement irréel et elle est pourtant un des témoins privilégiés de cette horreur.  Ils étaient partis, promettant de vite revenir avec de quoi manger. On n’avait même pas pris le temps de leur dire au revoir, les pensant invincibles. On imaginait alors que la vie allait simplement reprendre son cours et pourtant … Elle se souvient des cris, du sang et de cette odeur à laquelle elle n’était pas encore familière. Elle se souvient de ces étranges créatures sur lesquels elle posait pour la première fois son regard et de la peur qui était venue se loger dans ses entrailles. Elle allait mourir aujourd’hui. Elle en était persuadée. Personne ne sortirait vivant de cet endroit sans issues. C’était comme être pris à son propre piège. Elle les a vu tomber un par un, elle a entendu les cris et les a vu dévorer tous ceux qui se mettaient en travers de leur chemin. Ce qui la sauver ? Le poids des corps qui était tombé sur elle. Elle ne sait combien d’heures elle a passées cachée là-dessous. Elle a espéré mourir étouffer, à même tenter de mettre fin à sa vie et ses souvenus de cette phrase de Ren. Elle s’est alors relevée et a traversé ce qui était alors devenu un véritable champ de bataille. Aujourd’hui encore elle ne parvient pas à expliquer la force qui s’est emparée d’elle. Elle aurait pu rester terrée à jamais, mais elle avait décidé d’avancer parce que c’est ce que ses parents auraient voulu qu’elle fasse. C’est ce soir-là qu’elle a vu pour la première fois la lumière du jour. Comme dans ses souvenirs devenus flous, les rayons du soleil lui avaient semblé chauds. Tout lui a alors semblé  flou, elle se souvient seulement de ses jambes qui avancent et de son enfance qui s’envole en fumer alors que son lieu de vie est réduit en cendre.

Peut-être qu’elle est née avec une bonne étoile et que c’est cette bonne étoile qui lui a sauvé la vie. Elle ne sait combien d’heures elle a couru seule, elle ne sait même pas comment il est possible qu’elle n’ait croisé aucune créature. Elle se souvient seulement de la soif qui la terrassée de ses yeux qui se sont fermés et de son réveil dans un lieu qui lui était complètement inconnu. Cet endroit et pourtant devenu son nouveau chez-soi et celui qui la recueillit comme un second père. C’est lui qui lui a pour la première fois relaté ce que le monde était devenu. C’est aussi lui qui lui a appris à se défendre des divers créatures qui rôdent. Mais déjà elle savait que tout ça ne durerait pas. Elle était décidée à retrouver celui qui avait mis les voiles et qu’elle avait attendu des heures durant sans pour autant ne jamais le retrouver. Il aurait pu être mort comme tous les autres, mais elle entretenait l’espoir qu’elle n’était pas l’unique survivante. Un espoir qui se confirma quelques années plus tard. Dix-huit ans ou l’âge selon lequel il était pour elle temps de mettre les voiles et de voler de ses propres ailes. Elle avait eu assez d’années pour récolter suffisamment d’éléments qui lui laissaient à penser que Ren avait rejoint un clan nommé la main rouge. Toutes les histoires autour de ce groupe de personne n’avaient rien de très excitant et elle se doutait bien qu’elle pouvait perdre la vie à l’instant même où elle mettrait un pied sur leur territoire et pourtant elle s’était lancée sans trop y réfléchir. Évidement tout c’était passé comme elle l’avait imaginé, personne ne l’attendait avec un pot de bienvenue bien au contraire elle semblait être un bout de chair fraîche que certains auraient pris plaisir à consommer.  Des heures de marches, des regards et des propos pour le moins désagréables et l’enfermement. On la questionne, lui demande ce qu’elle est venue chercher et si elle a conscience des risques qu’elle est en train de prendre. Elle se contente de sourire «  Dites à Choi Ren que Lim Jo Hee est ici ». On la regarde et elle comprend une chose : on sait de qui elle parle. Elle ne sera peut-être plus en vie d’ici quelques heures, mais au moins elle sait qu’une personne continuera d’honorer la mémoire de ceux qui sont morts.  Combien de temps passe ? Elle ne sait plus. Mais il finit par apparaître. Bien sûr, il n’est plus le jeune adolescent qu’elle a connu, mais elle reconnaît encore ses traits. «  On ne se débarrasse pas comme ça de moi ». Il sourit amusé. Le genre de chose qui ne doit pas arriver souvent à en juger par le regard des autres. «  Laissez-nous ». Elle ne sait pas de quoi demain sera fait, mais, elle est vivante et à retrouver «  sa famille ».

Depuis cinq années Jo Hee a fini par se faire une place au sein de la main rouge. Après plusieurs mois d’entraînement, il a été décidé après une proposition de Ren qu’on fasse d’elle une espionne. Son rôle ? Venir se mêler de la vie des autres organisations pour  faire un rapport détaillé à son clan. Ça ne peut sembler pas être grand-chose, mais, elle a l’impression d’avoir un rôle capital dans le bon fonctionnement de la main rouge.