Un paysage apocalyptique se dessine vers l’horizon. On entend des cris, des explosions, des pneus qui crissent et tout ça dans une symphonie maléfique.
Un enfant pleure, sans père ni mère à ses côtés, il est perdu au milieu de la masse morbide déformée. Un décor anthracite se dévoile sous ses yeux humides ; les couleurs se confondent, les lignes s’allongent, se déforment et les iris du garçon cherchent en vain un visage familier à travers le flot de ses larmes. Il veut qu’on le prenne dans ses bras, qu’on lui murmure simplement les précieux mots salvateurs “ça va aller” “je suis là maintenant”. Mais personne ne voulait de cet enfant dans l’urgence. Le feu était encore affamé et il arpentait les maisons à la recherche d’une âme à dévorer, tout le monde fuyait et cherchait ses proches pour les protéger du danger menaçant. Et l’enfant avait peur, il avait peur lui aussi de finir comme ces cadavres sans vie qui se multipliaient devant ses yeux, les flammes le terrorisaient, l’air lui brûlait les poumons. Alors dans un ultime effort, il s’agrippa de ses mains encore frêles au bras d’un inconnu, le suppliant de l’emmener loin d’ici.


M.Oka comme il l’appelle encore aujourd’hui, est devenu curieusement avec le temps un proche à la manière d’un père. Etait-ce le destin qui leur avait joué un tour? Lui ayant perdu sa femme et sa fille se retrouve désormais responsable d’un orphelin?
Très rapidement il avait craqué pour lui et avait décidé de le prendre sous son aile. Il l’a nourri et à pris soin de lui presque comme son propre enfant. Il lui a appris à se débrouiller dans la nature, des premiers soin à l’usage d’un fusil.


-  M’sieur Oka…
-  Mh?
-  Je m’étais toujours demandé, c’est quoi votre prénom?
-  Hm? Pourquoi veux-tu savoir comment je m’appelle après tout ce temps? Je te l’ai déjà expliqué, ce sera “Monsieur Oka” pour toi. Mon prénom ne me rappelle plus que de mauvais souvenirs. Alors je ne veux pas l’entendre à nouveau
-  Et pour moi?
-  “et pour toi” ?
-  vous m’avez toujours appelé “hé toi”, “le mioche”, “gamin”, “kiddo” mais contrairement à vous j’aimerai bien avoir un prénom. Je n’ai jamais eu de prénom m’sieur Oka.
-  Kim sung jae? ça sonne bien comme nom ça.
-  J’veux pas quelque chose de coréen, j’suis pas coréen, j’ai été élevé par vous.
-  Oh, alors quelque chose de japonais.
-  Oui.
-  Alors si c’est moi qui choisi ce serait “Eri”
-  “E.R.I?” C’est un prénom de fille ça…
-  et ça s’écrit comme le mot bénédiction. (il gribouille sur le sol à l’aide d’un bâton 恵理)
-  c’est….
-  et si tu l’ajoutes à mon nom ça donne Oka Eri. (御帰り)
-  Oka-eri...
-  ça veut dire “bon retour à la maison”.




Avec le temps et les années qui passèrent, ils trouvèrent refuge chez les veilleurs. Le plus âgé était fatigué des voyages et cherchait un havre de paix pour finir ses jours paisiblement. Il était désormais devenu presque un vieillard dont la maladie avait commencé à le ronger et leur séjour s’était alors prolongé jusqu'à devenir définitif. Mais Eri était encore jeune et en quête d’aventure et de savoir. Il connaît le nord des terres désolées comme sa poche et avait des connaissances qu’il jugeait désormais inutile si son périple s’arrêtait aujourd’hui. Il est encore dans l'inconscience adolescente, il oublie qu’ils sont tous ici pour survivre. Lui, il pense qu’il est encore trop jeune pour finir dans cette vieille grotte.