Je veux voir mon fils... Enflure ! Enflures ! Les hommes sont si cruels, ces êtres masculins qui règnent en tout lieu, ils laissent leur femme de côté et jettent leurs enfants dans la fosse aux lions. Ils ne pensent pas aux conséquences, ils oublient le lien qui les lie avec leur progéniture. Et Sung Il a oublié que c'est Hana qui lui succédera, un point c'est tout. Alors Madoka marche, nus pieds, un pauvre vêtement dévoilant quelques parties de son corps grâce à des trous indiscrets. Les cheveux emmêlés, l'absence de maquillage, la terre et la crasse sur sa peau, les yeux rouges dues aux larmes mi-feintes mi-réelles, le regard déterminé à retrouver son enfant ; c'est ainsi que Madoka se pointa devant les portes blindées de l'abris. Elle avait soif, elle avait faim, ses lèvres s'étaient gercées en un rien de temps parce que pour paraître plus réelle, elle s'était faite déposée à la frontière du désert discrètement, les sens en alerte. Sans arme, sans provision, elle compta pour seul accompagnateur un informateur du clan des insurgés, ayant fait preuves de sa fidélité, sinon jamais elle n'aurait accepté de se faire aider par un homme armé qu'elle ne connaissait pas. Néanmoins, il la laissa bientôt seule, en proie à toute forme de créature ou de mésaventure, lui indiquant qu'il fallait continuer toujours tout droit. Résolue, la jeune femme ne craignit la mort, croyant résolument que son destin était de rejoindre son fils. Néanmoins, bien connue pour son côté princesse et capricieuse, elle ne manqua pas de maugréer à plusieurs reprises, et de laisser s'échapper des larmes de douleurs et de chagrin d'autres fois.

Enfin, elle apercevait ce qui ressemblait au loin à des portes, énormes, et elles semblaient fort épaisses. Plus elle s'approchait, plus son pouls accélérait. Plus elle avançait, plus la peur la prenait aux tripes. Après tout, elle n'était pas une combattante, elle n'avait aucune force. Elle était juste belle, et bien qu'intelligence, son caractère la rendait parfois sotte. Alors qu'elle était presque arrivée, on lui hurla de s'arrêter. Elle sursauta et s'arrêta net, cherchant d'où la voix pouvait venir. Elle se tourna, et se retourna, apercevant en hauteur des sentinelles, pointant leurs armes sur elle, puis des gardes droit devant. La peur la paralysa soudainement et ses jambes cédèrent tandis que des larmes tombèrent une nouvelle fois. Mais quelle gamine faisait-elle. « Jin... » Un des hommes approcha et prise de peur, Madoka recula, rampant presque à terre, mais que faisait-elle présentement ? Allaient-il la tuer ? C'est ce qu'elle craignait...

Enfin de retour. Voilà ce que le garde se disait. Après son expédition dans le désert, après sa quarantaine à cause du choléra, après sa convalescence, le voilà enfin de retour à garder ces grandes portes blindées. Il se sentait à sa place ici, bien plus que lorsqu’il avait osé poser les pieds en extérieur. Trop de choses étaient arrivées. Trop de mystères encore non résolus. Mais il savait qu’il y aurait des réponses dans les temps à venir, il ne doutait pas une seule seconde de cela. Alors il pouvait pleinement se concentrer sur son travail tout comme les autres, bien qu’il ne fallait pas se voiler la face. La tension avait monté d’un cran. La situation lui rappelait sans peine ces moments d’alertes dans leur camp militaire de l’époque, jour et nuit sur leurs gardes, prêt à tirer au moindre mouvement suspect de la part de leur vis-à-vis, prêt à dégainer au moindre bruit. Ça ne manquait pas. A peine avaient-ils vu une silhouette s’approcher, que chaque garde dégainait son arme vers l’arrivante.

Ses yeux se plissaient, cherchant la trace d’une arme à feu qu’il ne trouvait. Alors il baissait son arme et faisait signe aux autres qu’il irait voir de lui-même. Méfiant, les voilà qui couvrait le garde tout juste revenu il y a quelques jours de son congé pendant que celui-ci s’approchait de la jeune femme lentement. Ses yeux cherchaient toujours la trace d’une arme, une lame, un petit pistolet peut être même, tout et n’importe quoi. Mais la voilà qui reculait quand il s’approchait trop près, comme si elle avait peur. Alors, comme s’il avait affaire à un animal craintif, il s’agenouillait là où il était pour la rassurer. « N’ayez pas peur, on ne vous fera pas de mal. » Le trentenaire tentait d’être aussi rassurant que possible bien qu’il semblait avoir quelques difficultés. Peut-être que le fusil entre ses mains n’aidaient pas ? Mais il se voyait mal le ranger au cas où il aurait à se défendre, pire encore s’il se le faisait voler. « Qui est Jin ? » demandait-il ensuite, curieux de savoir comment ils pourraient éventuellement aider la jeune femme visiblement en quête de quelque chose. « Personne ne nous a prévenu de votre visite, c’est pourquoi tout le monde est sur ses gardes. » Beaucoup de personnes vivaient dans l’abri, certaines sortaient, d’autres étaient encore à la recherche de leur famille. Il y avait tant de possibilité derrière cette syllabe qu’il ne savait par où commencer…

L'inconnu s'approcha, grand, imposant, beau mais aussi effrayant, armé. Madoka avait appris avec le temps de se méfier de la beauté des gens. Un corps bien fait pouvait cacher un esprit mauvais. Et ces gens de l'abris, elle ne les connaissait pas. Ils avaient son fils – et même si ce n'était pas de leur faute – elle ne pouvait que les détester. Jin était son fils à elle, à personne d'autre. Il la prenait pour un animal... Pourquoi s'agenouillait-il sinon ? Faisait-elle si pitié que cela ? Sa fierté en prenait un coup, mais Madoka ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, à se montrer si faiblarde et pleurnicharde. Elle avait soif, faim et surtout, elle vouloir revoir son enfant, son petit joufflu d'amour qu'eux ne devraient pas, en temps normal, ne serait-ce qu'espérer voir ; trop bien pour eux. « Mon fils... » Répondit-elle d'une voix presque éteinte, la soif écorchant sa gorge. « Hana... c'est le nom que lui a donné son père. » Autant dire, pas du tout embrouillant. « Je veux le voir... » Elle soupira, non pas par agacement, mais comme ressentant le besoin d'expirer pour se sentir mieux.

Madoka ne comprenait pas pourquoi les personnes de l'abris devaient être prévenues et son visage le montra bien. Il n'y avait aucune alliance entre l'ordre auquel elle appartenait et ce clan, alors pourquoi dont lui disait-il cela ? « J'ai... J'ai pas prévenu... » Elle se sentait bête, honteuse et inférieure soudainement. Ses poings se serrèrent contre le sol. Elle s'approcha subitement à quatre pattes près de l'inconnu, pathétique. « Dites... Comment il va ? Je peux le voir ? »

Face à l’inconnue, le garde ne baissait sa garde. Comment le pouvait-il ? Si elle ne semblait être en état de nuire, il ne savait que trop bien combien le désespoir pouvait mener à des actes stupides et irréfléchis… parfois même suicidaires malheureusement. Il ne voulait être couvert du sang d’une femme qui, visiblement semblait quémander après son fils. Pourtant, le garde n’avait souvenir d’un enfant arrivé à l’abri récemment. Ses sourcils se fronçaient alors que l’incompréhension le guettait jusqu’à l’évocation d’un prénom qu’il connaissait. Hana, l’enfant qu’ils avaient retrouvés malade du choléra au cours de leur mission afin de retrouvé leurs compagnons disparus. L’enfant que Yeonwoo avait sauvé des flammes quitte à se brûler sévèrement la paume des mains. Il ne pouvait l’oublier. Comment le pouvait-il après tout ? Mais plus que de s’attendrir, le regard du garde se durcissait tout au contraire face aux mots de l’inconnue.

Hana n’avait été maltraité.

Que ce soit en discutant avec l’exploratrice qui l’avait sauvé ou même avec l’examen médical : tout le prouvait. Sans oublier les goûts du garçon qui était bien trop pointilleux pour être communs. Entre ses mains, sa poigne se resserrait sur son arme. Myung Ki se faisait silencieux, un silence pesant pour ses collègues que, d’habitude, il prenait soin de vite rassurer pour placer ses interlocuteurs dans une situation plus confortable au dialogue. Il ne savait qui était la femme face à lui, mais n’était-ce une comédie que de la voir dans cet état ? Il voulait croire aux parents attentionnés, ceux qui se donnaient corps et âme pour leurs enfants mais si tel était le cas : pourquoi l’avait-elle laissé là-bas, dans les flammes et la maladie ? Plus encore : comment savait-elle qu’il se trouvait dans l’abri ? Que ce soit la main rouge ou les veilleurs, pourquoi n’avait-il pu être retrouvé par l’un d’eux ? Avait-elle été voir les deux clans ? L’homme avait un doute sur l’intérêt de la main rouge pour un pauvre enfant malade que l’abri aurait recueillis, pire encore pour une femme qui était prête à ramper pour le revoir. Quant aux veilleurs : ne l’auraient-ils accompagnée pour prouver la bonne foi de la femme ou encore la guider en toute sécurité ? « Vous êtes sûr qu’il se trouve ici ? » demandait alors le garde, observateur des réactions de la jeune femme plus qu’à son habitude.

Loin de vouloir l’empêcher de le voir, lui-même étant plutôt familial comme homme, il ne pouvait pourtant pas laisser n’importe qui rentrer dans l’abri comme bon lui semblait. Il ne pouvait non plus remettre aux mains d’une totale inconnue un enfant qu’ils avaient sauvé d’une mort atroce et certaine. « Je n’ai jamais eu conscience d’un enfant qui s’appelait Hana ou Jin. » Semblant confus, le garde se redressait pour se tourner à demi vers ses collègues et leur demander s’ils en avaient entendu parler à leur tour. Chacun, peu à peu, secouait la tête bien qu’un brin hésitant pour certains, comme s’ils avaient besoin de réfléchir pour savoir. « C’est bizarre, on aurait pourtant été les premiers au courant si c’était le cas… On ne voit pas beaucoup d’enfants venir d’eux-mêmes ici en plus… » Plus que d’informé la jeune femme, le garde semblait parler pour lui-même, l’air pensif. Il ne savait qui était Hana exactement, mais une chose était sûre : il faisait partie des privilégiés dans une société inhumaine. Mais à quel point?

Elle se montrait si faible face à lui qu'elle-même se maudissait tellement elle faisait honte à son rang ainsi, pourtant, cet homme restait de marbre devant ses sentiments sincères de mère. Il ne devait pas comprendre, il ne devait pas savoir ce que c'était d'avoir un enfant. Cela dit, Sungil avait beau avoir des enfants... Il n'agissait pas en père pour autant non plus... Madoka remarqua bien l'emprise plus ferme de l'homme sur son arme. Pourquoi était-il si méfiant ? Elle était venue sans arme, à jeun, faible et finalement sincère dans sa supercherie. Voilà sa stupide stratégie, qui semblait partir en lambeaux peu à peu. Si ce garde voulait la rendre confuse, il y arriverait facilement, parce qu'elle commençait déjà à l'être.

Lorsqu'il lui demanda si elle était sûre que son fils se trouvait bien dans l'abris, son visage montra à quelle point elle était perturbée par ces propos. Pas une seule seconde elle n'avait douté des informations que lui avait donné Sungil, et elle lui avait d'ailleurs énormément reproché cette conduite ignoble et stupide. « Oui... Oui je suis sûre ! » Il ne lui aurait pas menti là-dessus. Ce n'était pas dans ses intérêts de mentir à Madoka, son mari la connaissait assez bien pour savoir qu'elle pouvait entrer dans des crises folles dans ce genre de situation.

Pourquoi mentait-il ? Pourquoi mentaient-ils tous ? Madoka les voyait bien, ceux hésitant. Elles comprenait bien qu'eux, ils ne la comprenaient pas ? Elle voulait juste s'assurer que son fils allait bien, pouvoir le prendre dans ses bras. Pourquoi ne la laissaient-ils pas faire ? Ils verraient bien à quel point ils s'aimaient, que son fils aimait sa mère, et que cette mère ne vivait que pour ses enfants. « Vous mentez... » Elle sentait son cœur se dérégler, sa respiration accélérer. Madoka paniquait. D'un bond, elle s'agrippa au col de cet inconnu qui se fichait d'elle. « Pourquoi vous mentez ? Mon Jin est ici... Et je veux le voir... Il est pas venu de lui-même... » Elle se recula, de peur des représailles et essuya tant bien que mal les larmes qui coulaient le long de ses joues. « Il... Il a voulu le laisser cramer... Je lui ai hurlé dessus... Et maintenant je suis là... » Elle renifla encore et encore. « Laissez-moi voir Jin, je suis ni armée, ni venue avec de mauvaises pensées. Je veux juste voir mon enfant, pourquoi ne voulez-vous pas comprendre ça ? »