La peur. La colère. La souffrance. L’ignorance… Et le néant. Noyée dans cette pièce sombre où le seul faisceau de lumière éclaire un sac de sable malmené, une jeune femme se défoule. Les pensées aussi ténébreuses que ce qui l’entoure, l’esprit aussi focalisé que la lumière jaunâtre qui jamais ne cille… Elle ne tient pourtant qu’à un fil. Épuisée et sans forces, la tête prête à exploser et glissant presque sur sa sueur au sol, elle continue pourtant sans relâche. Frappant encore et toujours au même endroit comme un automate, ne se rendant même pas compte que… Celui des deux qui souffre le plus, c’est son corps, et non le sac. Mais qu’importe ? Elle s’en fiche. Elle ne se rend plus compte de rien. Ni de la fatigue, ni de la douleur… Ni de son enveloppe charnelle qui flanche. Ses poings plein de crevasses sont ensanglantées, ses pieds ne sont qu’ampoules et callosités, et ses yeux ne parviennent presque plus rien à cerner. Des jours qu’elle n’a pas dormi. Des semaines qu’elle n’a pas trouvé le répit. Elle est juste bonne à s’épuiser. Car elle ne peut s’autoriser à penser, comme ses yeux n’ont pas la possibilité de se fermer. Tout de suite assaillis par des souvenirs traîtres, un sourire lumineux se dessine, des yeux pétillants brillent. Et elle frappe avec plus de puissance, laissant échapper un râle aussi animal que son inconscience. Il n’y a personne ici. Personne à part elle. Pas de longue chevelure brune de princesse, encore moins d’éclats de rire mutin. Son enveloppe n’est pas ici, et pourtant à jamais elle hante son esprit. Sœur de cœur, elle y demeure. Comme à jamais ancrée et tatouée, il est impossible de s’échapper. Un coup de pied ravageur fend l’air, et elle hurle de plus belle pour laisser échapper sa fureur. Rien. Elle n’avait rien pu faire. Rose dont on vantait la beauté, elle n’avait su que briller tel un pot de fleur. On lui avait arraché sa moitié, on lui avait lacéré le cœur… Et elle avait laissé faire sans se battre ou courir jusqu’à disparaitre elle-même. A quoi cela servait-il d’être ici ? A quoi bon être apprentie infirmière ? Il n’y avait qu’un mur auquel se cogner et des ongles ensanglantés à ronger. Pouvait-elle même encore s’appeler amie ? Alors qu’elle était restée ici ? Souriant des jours sans savoir tandis que sa sœur était portée disparue ? Pleurant à ne pas s’en relever alors que quelqu’un devait aller la sauver ? Elle n’était que peur. Trouillardise et faiblesse, bonne à attirer les regards des hommes, sans jamais leur voler le cœur. Qu’avait-elle gagné à rester toutes ces années cachée ? Se roulant dans ses défauts, refusant d’affronter l’extérieur. La jeune femme d’extérieur n’était qu’une gamine sans volonté ni courage. Assistée depuis l’enfance et incapable de protéger quoique ce soit. Pourtant aujourd’hui, comme tous ceux précédant cet instant, elle hurlait sa rage et chassait ses démons. Se battant contre elle-même, repoussant ses limites, se détruisant sans relâche, dans le but vain de grandir. D’abord pour la sauver. Puis pour ne plus jamais la laisser s’échapper. La demoiselle rongée par un mal intérieur avait cessé d'abandonner la lutte. Au contraire. Pour elle, elle avait changé. Elle ne serait plus la petite fille choyée qui attendait sagement son amie. Elle l’accompagnerait à l’extérieur. Elle ne serait plus la petite infirmière pas assez expérimentée pour la soigner. Elle serait son sauveur. Plus personne ne la lui volerait. Plus personne ne la détruirait. Promesse muette alors qu’un sourire amer se trouve une place sur ce visage meurtri et détruit tandis qu’elle repense à ce petit homme inconnu qui lui aussi tentait de lui voler sa sœur. N’avait-elle plus le droit de se tenir à ses côtés ? Tout n’était que foutaises. Luna n’avait pu aller sauver Yeonwoo, la revoir à son retour, ni même aider à ses soins. Et maintenant, elle n’était plus que l’ombre d’un passé, relégué au second plan pour un enfant qu’elle connaissait à peine. Les larmes roulent sur ses joues où le blafard et l’écarlate se marient à merveille, et elle s’écroule au sol après un dernier coup qui lui foule presque le poignet. Des mois qu’elle avait dit adieu à la gamine qu’elle était. Des semaines qu’elle affrontait ses peurs. Des jours qu’elle se forgeait pour devenir meilleure. Des heures, des minutes, des secondes… Qu’elle attendait de pouvoir la serrer contre elle. Alors pourquoi ne lui accordait-on toujours pas son salut ? Que quelqu’un la sorte de ces ténèbres… Elle voulait juste… Le réconfort de ses bras, la beauté de son sourire, la mélodie réconfortante de son rire… Lire enfin dans son regard d’ordinaire étoilé qu’elle était bel et bien rentrée. Pas que son corps… Mais son esprit aussi. Pour qu’à son tour, elle réussisse à lui dire ce qui lui pesait le plus sur le cœur. Un mot. Un seul. « Désolé. » Et merci d’être rentrée.