Mentir ou mourir.

Avec beaucoup de recul - énormément de recul - je me dis que finalement, je devrais remercier mes parents pour ce qu'ils ont fait de moi. Rectification. Pour ce qu'ils ont voulu pour moi. Je me dis que si j'avais eu une fille dans ce monde-là et que j'avais eu la chance qu'elle soit légèrement ratée, j'en aurais aussi profité pour espérer un peu mieux pour elle. Je sais pas si j’aurais eu le courage suicidaire de la faire passer pour un homme. Je crois que j’aurais trop eu peur que tout ça se révèle. Trop eux peur d'y laisser sa peau ainsi que la mienne. Mais j'ai des parents courageux - ou complètement fêlé du bocal, question de points de vue -, alors je pense que je peux leurs dires merci, oui.

Alors Papa, Maman.
Merci.

J'ai mis du temps à comprendre tout ça, beaucoup de temps. Au début je ne faisais que me dire qu'ils m'avaient envoyé au casse-pipe. Qu'ils avaient choisi la pire des options imaginable lors d'une apocalypse. Élever leur fille en la faisant passer pour un mec dans un clan de truands machistes ça me paraît léger comme solution. Mais par miracle - ou très bon calcule - je m'en suis plutôt bien sortie. À leurs décharges, je me dois se reconnaître que le costume masculin me va comme un gant. Je suis née pour jouer ce rôle-là. Mais ça, moi, je ne l'ai compris que plus tard. Car s'ils n'avaient pas dissimulé ma féminité physique - un des points uniques et incontestable de mon chromosome XY - j’aurais étée contrainte d'en prendre la robe et les formes. À savoir que chez les insurgés, être une femme... ce n'est pas tous les jours confortable. Être mariée contre mon gré à n'importe qui, élever des enfants sans mettre le nez dehors, me la fermer face à la domination masculine... Tout un programme...
Du-coup me voila dans ce corps androgyne, animée par des cycles lunaires, cernée par mes innombrables mensonges, presque habituée à vivre avec l'épée de Damoclès perchée au-dessus de ma tête.

Les maîtres mots de ma vie sont: adaptabilité, anticipation et sacrifice. Avant la fin de notre ancien monde, je crois me souvenir que j'étais une petite fille pleine de ressources, dire que j'en ai fait baver à mes parents est tout juste légitime. En Corée, les petites filles aux cheveux courts qui reviennent avec des trouent dans leurs pantalons et de la boue dans les cheveux... c'est un peu compliqué à assumer. Surtout quand il s'agit de l'unique enfant de l'estimer professeur de l'université Inha... Mais ça, avant, j'en avais cure. Aujourd'hui je peux remercier mon père d'avoir eu autant de culture, car il nous à éviter une vie galérienne. Les érudits sont précieux chez les insurgés et ça, par contre, je l'ai compris très vite.
Cachée dans mon corps de faux garçons, j'ai rapidement appris à aiguiser mon intelligence. Car c'est simple, un seul faux pat signerait mon arrêt de mort ainsi que celui de mes deux parents. Ça met très vie au parfum... Surtout que le statut de ma famille me faisait côtoyer quasiment constamment la puissance et inégaler famille Pyo. J'ai pratiquement grandi avec leurs fils aînés, Sung Il. Vivre au plus près du danger... ça forge.
J'ai dû travailler fort pour ne pas me faire dévoiler. Une femme doit s’entraîner doublement afin d'atteindre la capacité physique naturelle d'un homme et croit bien que ça m'arrache la langue de devoir le reconnaître. Sans compter que je devais éviter toutes blessures... Un seul passage à l'infirmerie pourrait tourner à la catastrophe. Pas besoin de vous dire pourquoi.

Au début, je me suis contentée de me battre pour ma simple survie. Puis avec le temps... j'ai commencé à trouver mes propres objectifs. J'ai bot avoir l'allure, la démarche, le comportement et le statut d'un homme, je n'en reste pas moins une femme. Et aucune femme de ne peut éviter de s'insurger un minimum en observant les conditions de vie de ces dernières chez les insurgés. Je nous appelle silencieusement les mères porteuses, pour rester soft et ne pas m’épancher dans plus sombre surnom encore... Ma chance est donc d'en être une, sans néanmoins que personne ne soit au courant. Alors quand j'ai obtenu le statut très convoité d’érudit après l'examen, j'ai commencé à espérer pouvoir faire quelques choses de ma "drôle" de situation. Surtout que j'avais souvent dans les parages un Sung Il plutôt réceptifs à mes conseils. Je ne dirais pas qu'on s'apprécie, mais plutôt qu'on sait correctement s'utiliser l'un l'autre... Je le trouve hautement perturbé et ses manière animale de traiter les choses me rebute définitivement. Mais comme dit Bouddha, personne n'ait ce qu'il est sans raison. Jung Il est à mes yeux autant victime de sa propre vie que je peux l'être.

Du-coup, je côtoie constamment le danger. Tous les jours. Surtout depuis que je suis devenue un de ses conseillés préférés. Je lutte chaque jour pour ne pas perdre mon calme et mon contrôle. Chaque geste est calculé, mesuré, pensé et repensé. Je le fais pour moi, pour mes parents et pour tous ceux qui aurait profité de cette dangereuse opportunité pour essayer de changer les choses.
Ça s'appelle la guerre froide, mais pour ça, il faut inévitablement se salir les mains.
Alors j'espère que mon karma me pardonnera....